Vente de masques Hopi et Convention de l’Unesco du 14 novembre 1970 (TGI Paris, référé 6 décembre 2013, RG 13/59110)
L’ordonnance de référé rendue le 6 décembre 2013 statuant sur la demande de la tribu Hopi et de l’association Survival International France de voire retirer de la vente aux enchères intitulée « Art amérindien puis art précolombien » organisée par la SARLU Eve les 9 et 11 décembre 2013 » 21 masques katsinam, est l’occasion de revenir sur l’accueil réservé par les tribunaux français aux demandes fondées sur les dispositions de la Convention de l’Unesco relative aux mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites de biens culturels du 14 novembre 1970.
Ce texte était en effet invoqué par les demanderesses pour conclure à l’incessibilité desdits masques, les conditions dans lesquelles les masques auraient été obtenus et exportés en France étant selon elles nécessairement douteuses.
La Convention de l’Unesco, applicable aux seuls biens meubles, prévoit notamment que les États parties à la présente Convention s’engagent à « prendre des mesures appropriées pour saisir et restituer à la requête de l’État d’origine partie à la Convention tout bien culturel ainsi volé et importé après l’entrée en vigueur de la présente Convention à l’égard des deux États concernés, à condition que l’État requérant verse une indemnité équitable à la personne qui est acquéreur de bonne foi ou qui détient légalement la propriété de ce bien. (…) (Article 7 b (ii))
L’article 13 de la Convention stipule de plus que :
“Les Etats parties à la présente Convention s’engagent par ailleurs dans le cadre de la législation de chaque Etat:
(a) à empêcher, par tous moyens appropriés, les transferts de propriété de biens culturels tendant à favoriser l’importation ou l’exportation illicites de ces biens ;
(b) à faire en sorte que leurs services compétents collaborent en vue de faciliter la restitution, à qui de droit, dans les délais les plus rapides des biens culturels exportés illicitement ;
(c) à admettre une action de revendication de biens culturels perdus ou volés exercée par le propriétaire légitime ou en son nom;
(d) à reconnaître, en outre, le droit imprescriptible de chaque Etat partie à la présente Convention, de classer et déclarer inaliénables certains biens culturels qui, de ce fait, ne doivent pas être exportés, et à faciliter la récupération par l’Etat intéressé de tels biens au cas où ils auraient été exportés”.
Cette Convention n’a pas d’effet contraignant, n’ayant pas à être appliquée directement par les tribunaux français. Ainsi la Cour d’appel de Paris a-t-elle souligné :
« Il y a lieu de donner mainlevée de la saisie revendication des statuettes africaines litigieuses dès lors que la saisie a été pratiquée sur le fondement de la Convention de Paris du 14 novembre 1970 ratifiée par la France le 7 avril 1997, concernant la lutte contre l’exportation illicite de biens culturel. Les dispositions de cette convention ne sont pas directement applicables dans l’ordre juridique interne des États parties et ne crée aucune obligation directe pour les ressortissants. » (CA Paris 1ère ch sect A 5 av 2004 RG 2002-09897 – JurisData : 2004-238340).
Cette solution a été reprise par le Tribunal de Grande Instance de Paris dans un litige opposant la République de l’Equateur aux vendeurs d’objets d’origine précolombienne (TGI Paris 1ère ch 1ère sect, 24 janvier 2007, RG 04-04828).
Or dans la présente affaire, le juge des référés a écarté l’application de la Convention de l’Unesco, non pas en raison de son défaut d’application directe dans l’ordre juridique français, mais parce qu’il a estimé qu’il n’était pas « démontré que le litige entre dans le cadre de la Convention de l’Unesco ».
Pour arriver à cette conclusion, le juge a retenu d’une part qu’il n’était pas établi que la loi américaine interdit la vente de biens provenant de tribus d’indiens lorsqu’ils sont détenus par des personnes privées, et d’autre part que ni le Conseil des Ventes Volontaires, ni l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels n’avaient été saisis par les demanderesses, ni qu’une plainte pénale pour détournement de biens culturels aurait été présentée. En somme, il n’était nullement démontré que les masques aient été illicitement importés en France.
En définitive, s’il aurait certainement suffit au juge des référés de rappeler aux demanderesses qu’elles ne pouvaient invoquer directement à leur bénéfice les dispositions de la Convention de l’Unesco, il apparaît qu’il a préféré souligner la légèreté des affirmations soutenues par ces dernières.
Par ailleurs, il est à noter que la Convention n’ayant été ratifiée par la France que le 7 avril 1997, elle ne devrait pouvoir s’appliquer en tout état de cause qu’à des biens qui auraient été exportés illicitement après 1997.