UN NOUVEL ATOUT POUR LES START-UP FRANÇAISES : LE CORPORATE VENTURE
- Depuis des années, les gouvernements ont incité le développement du capital innovation (ou capital risque) en France. Le nouveau dispositif d’incitation dans le venture concerne cette fois-ci l’investissement par les entreprises. Il consolide l’écosystème français du venture dont Xavier Niel a pu dire qu’il était devenu un paradis (Note 1) !
Peut-être pas encore un paradis (voir la récente étude Coface présentant un tableau contrasté – Note 2) mais il est clair que l’environnement juridique des start-up française contribue à la création d’un écosystème en croissance. En témoigne les récentes déclarations du patron de Cisco qui souhaite investir 100 millions de dollars dans des start-up hexagonales et les multiples entreprises qui ont investi, sans attendre d’incitation fiscale, directement ou indirectement dans des jeunes pousses : que ce soit des grosses sociétés de services ou industrielles, à l’instar d’Orange, par exemple, qui a récemment mis en place Orange Digital Venture, ou des investisseurs institutionnels à l’image d’Axa avec Axa Stategies Ventures avec plus de 200 millions d’euros de fonds, ou encore d’entreprises plus petites, comme Seb depuis 2011. C’est qu’investir dans des sociétés jeunes et innovantes, indépendamment de l’intérêt fiscal qu’ils pourront prochainement en tirer (Note 3)- permet au grands groupes industriels de rester au contact des sociétés innovantes (« outil de veille industrielle »), d’identifier les pépites et les talents de demain et de dynamiser leur propres équipes (Note 4). De leur côté, les PME innovantes, outre l’apport en fonds propres, peuvent trouver un intérêt à un partenariat avec une grande société en termes de réseau, d’accès à des débouchés (Note 5).
Un premier dispositif d’incitation à l’investissement dans les start-up, qui avait déjà été présenté lors de la loi rectificative de finances pour 2013, n’était pas entré en vigueur en raison des observations émises par la Commission européenne quant à sa conformité au droit de l’Union européenne en matière d’aides d’Etat.
Après plus de deux ans d’attente, un dispositif modifié d’amortissement fiscal pour l’investissement dans les PME innovantes par les sociétés a été mis en place par la publication de la seconde loi rectificative de finances pour 2014. Un amortissement sur cinq ans est ainsi institué au profit des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés qui investissent directement dans le capital d’une PME innovante ou indirectement par l’intermédiaire de fonds communs de placement à risque (FCPR) incluant les FCPI et les FIP.
Il s’agit d’un outil intéressant en ce qu’il permet d’encourager le financement des PME innovantes, de faciliter l’action groupée des business angels et de renforcer l’action des FIP et FCPI.
Outre les conditions tenant à la PME qui doit être qualifiée d’innovante (Note 6) ne doit pas être cotée sur un marché réglementée ni être une entreprise en difficulté, des critères ont été posés pour que l’entreprise qui investit puisse bénéficier de l’avantage :
1. Tout d’abord, l’entreprise ne doit pas détenir plus de 20% du capital ou des droits de vote de la PME innovante.
Si l’investissement est effectué par l’intermédiaire d’un fonds d’investissement, le pourcentage de détention sera calculé en tenant compte de la détention de l’investisseur dans le fonds et de la détention du fonds dans la PME innovante. 2. Par ailleurs, les sommes investies que l’entreprise souhaite amortir ne doivent pas dépasser plus de 1% du total de l’actif de l’entreprise à la clôture de l’exercice au cours duquel a eu lieu la souscription. Pour le calcul de ce plafond, doit être prise en compte « la valeur des titres, des parts ou des actions » détenus par l’investisseur. Cela suppose une valorisation à la fin de chaque exercice avec toutes les difficultés inhérentes à cet exercice.3. Enfin, les versements effectués ne devront pas excéder, pour chaque entreprise bénéficiaire, le plafond de 15 millions d’euros : ce plafond vient remplacer celui de 2.5 millions d’euros qui était envisagé dans la première mouture du dispositif.
D’autres conditions doivent être remplies postérieurement à l’amortissement fiscal : en effet, en cas de cession des titres souscrits dans les deux ans de leur acquisition, l’avantage fiscal qui a été accordé est repris. De même, en cas de cession ultérieure, l’entreprise qui a investi et donc bénéficié de l’amortissement fiscal verra la plus-value tirée de la cession imposée. Selon que l’investissement est direct ou indirect, le régime fiscal d’imposition sera différent :
- S’il s’agit d’un investissement direct, la plus-value sera soumise au taux normal de l’IS à hauteur du montant de l’amortissement pratiqué, le surplus étant le cas échéant éligible au régime des plus-values ;
- S’il s’agit d’un investissement indirect, la loi prévoit l’imposition au taux normal de l’IS, à hauteur de l’amortissement pratiqué, de la différence entre le montant des sommes remboursées par le fonds et le montant des sommes versées par l’entreprise, diminué des amortissements.
Néanmoins, l’entrée en vigueur du dispositif est de nouveau décalée : en effet, celle-ci est subordonnée à l’examen préalable du dispositif et à sa validation par la Commission européenne. De même, l’amortissement pourra s’appliquer aux sommes versées pendant les dix années suivant une date fixée par décret, ne pouvant être postérieure de plus de six mois à la date de réception par le Gouvernement de la décision de la Commission européenne permettant de considérer le dispositif comme conforme au droit de l’Union européenne.
Samuel Schmidt – Avocat associé (UGGC Avocats)
Note 1 Les Echos, 4 novembre 2014. Dossier Enjeux Les Echos décembre 2014
Note 3 : D’un point de vue purement fiscal, un arbitrage pourrait être fait entre l’utilisation de la R&D en interne et Crédit d’impôt recherche et l’investissement dans une PME innovante (celui-ci devenant compétitif lorsque le seuil des 100 millions d’euros de dépenses R&D est dépassé – pour mémoire passé ce seuil, le taux de CIR passe de 30% à 5%).
Note 4 : Témoignage de Seb lors de la réunion de l’Afic sur le corporate venture en date du 4 février 2015. http://www.groupeseb.com/fr/content/corporate-venture-0
Note 5 : sous réserve d’éventuels conflits d’intérêts. Une difficulté peut également consister dans la différence d’objectifs entre le fonds corporate et le les capitaux risqueurs qui ont un horizon de liquidité souvent plus rapproché. Le tout doit être géré par un pacte d’associés adapté.
Note 6 : Article 15 de la loi n°2013-1279 du 29 décembre 2013
Note 7 : Critère pour être qualifiée de PME innovante : avoir réalisé des dépenses de recherches et développement au sens du crédit d’impôt recherche représentant au moins 10% des charges d’exploitation de l’un au moins des 3 exercices précédant l’année de la souscription.
- Cet article a été rédigé avec l’aide de Melle Alix Amaury, stagiaire et élève avocate à l’EFB