Le statut protecteur du lanceur d’alerte interdit toute sanction et notamment tout licenciement à l’encontre d’un salarié qui interviendrait en représailles des signalements et divulgations faites sur les pratiques illégales de son employeur.
C’est sur le fondement de ce statut protecteur prévu par la loi, que le lanceur d’alerte est bien fondé à solliciter la nullité de son licenciement et sa réintégration au sein de l’entreprise qui l’employait.
La question se pose alors de savoir si le juge des référés, compétent pour prendre des mesures conservatoires pour faire cesser un trouble manifestement illicite même en présence d’une contestation sérieuse[1], mais qui n’est pas saisi du fond du litige, a le pouvoir de se prononcer sur le caractère réel et sérieux d’un licenciement dans le cadre d’une procédure d’urgence.
La Cour de cassation s’est prononcée pour la première fois, dans un arrêt du 1er février 2023, sur l’office du juge des référés saisi d’un litige relatif au licenciement d’un lanceur d’alerte et l’aménagement de la charge de la preuve[2].
Elle confirme d’abord que le juge des référés est bien compétent pour ordonner la continuation du contrat de travail en cas de licenciement nul de plein droit dès lors qu’il est établi qu’il a été prononcé en méconnaissance du statut protecteur des lanceurs d’alerte, même en présence d’une contestation sérieuse. Elle précise qu’il appartient au juge des référés de :
– Vérifier si les éléments soumis par le salarié permettent de présumer qu’il a signalé une alerte dans le respect des dispositions légales encadrant les lanceurs d’alertes[3], et dans l’affirmative de,
– Rechercher si l’employeur rapporte la preuve que la décision de licenciement est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage du salarié.
Cette décision qui fait peser la charge de la preuve sur l’employeur, et retient une conception large des pouvoirs d’investigation du juge des référés, vient assurer une protection effective des lanceurs d’alertes, alors que les juges saisis en première instance et en appel considéraient que l’examen du caractère réel et sérieux du licenciement relevait de la compétence des juges du fond, à défaut pour le salarié de pas démontrer de lien évident entre son alerte et le licenciement, et non de la compétence du juge des référés, juge de l’urgence et du provisoire.
Ainsi, un lanceur d’alertes peut se prévaloir d’une procédure accélérée pour faire annuler son licenciement.
Cette solution étend le rôle déjà reconnu au juge des référés, compétent pour prononcer la réintégration provisoire de salariés :
– licenciés en cas de violation du statut protecteur des représentants du personnel ;
– licenciés après dénonciation de faits de harcèlement moral ;
– ou dont le CDD aurait été rompu de façon anticipée à la suite d’une action en justice pour obtenir la requalification de la relation de travail en CDI.
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[1]Article R. 1455-6 du code du travail
[2]Cass. soc., 1er février 2023, FS-B n°21-24.271
[3] Articles 6 à 8 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, modifiée par la loi n°2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte
Par Jennifer Carrel, associée et Agathe de Champsavin, collaboratrice