Meublés de Tourisme et Obligations Déclaratives – Nouvelle décision de condamnation d’une plateforme
Par jugement du 18 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a condamné la société de droit néerlandais Booking.com, au paiement d’une amende civile de 1,2 million d’euros pour avoir méconnu certaines dispositions du Code du tourisme (article L. 324-2-1) en ne transmettant pas, dans les délais impartis, certaines informations à la Ville de Paris, notamment le nombre de jours au cours desquels des meublés de tourisme avaient fait l’objet d’une location (TJ Paris, 18 octobre 2021, n° 21/52480, Ville de Paris c. Booking.com).
Plusieurs questions de droit se sont posées aux juges du fond parisiens qui ont statué selon la procédure accélérée au fond, anciennement appelée en la forme des référés.
En premier lieu, il s’agissait de déterminer si les informations exigées par l’article L. 324-2-1 du code du tourisme ne constituait pas une restriction, si ce n’est injustifiée au moins disproportionnée, à la libre circulation des services de la société d’information en provenance d’un autre Etat membre, au sens de la directive 2000/31/CE, comme l’exposait Booking.com.
Le tribunal judiciaire de Paris a répondu par la négative dans la mesure où le caractère contraignant de la règle, et son caractère nécessaire, la rend insusceptible de créer une entrave à la libre circulation au sens de la directive. En effet, la société Booking.com est placée dans une « stricte situation d’égalité par rapport aux autres prestataires sur le marché des meublés de tourismes en France qu’ils opèrent pour une plateforme numérique ou non » de sorte que l’ensemble des opérateurs est soumis aux mêmes obligations d’information et encourt les mêmes sanctions en cas de manquement. En outre, la règle en jeu a pour vocation « une raison impérieuse d’intérêt général reconnue par le droit de l’Union européenne de lutte contre la pénurie de logements destinés à la location ».
Une autre question était de savoir si la société Booking.com devait être considérée comme un « hébergeur » ou un « éditeur », la question étant importante dans la mesure où pèse sur les éditeurs une présomption de détention des informations mentionnées par la loi.
Les juges parisiens ont considéré que la société Booking.com est un véritable éditeur dès lors que son rôle excède un traitement purement technique et automatique des données et qu’elle possède en réalité un certain contrôle et une certaine connaissance des données stockées sur son site.
Ayant estimé que les obligations de transmission d’information du code du tourisme ne constituaient pas une restriction à la libre circulation des services, et que pesait sur la société Booking.com une présomption de détention de certaines informations, les juges ont estimé par suite que cette dernière n’avait pas respecté les dispositions du code du tourisme en communiquant tardivement les informations requises à la Ville de Paris, notamment via un tableau lacunaire, et devait dès lors être condamnée à ce titre.
A propos du montant de l’amende, les juges ont relevé la rapidité des modifications législatives s’imposant aux plateformes d’intermédiation en location meublée touristique pour limiter l’amende à 400 euros par annonce, soit 1 234 000 euros, montant cependant très éloigné de celui demandé par la Ville de Paris qui sollicitait un paiement de 154 250 000 €, soit environ 50 000 euros d’amende par meublé.
On rappellera, qu’en juillet dernier, la société Airbnb avait été condamnée à 8 millions d’euros d’amende pour publication d’annonces sans numéro de déclaration (TJ Paris, référé, 1er juillet 2021, n° 19/54288).
Il est clair que la résistance frontale d’abord opposée par les plateformes aux dispositif légaux et réglementaires commence à se fissurer et que le temps de l’adaptation des modèles est arrivé.
Par Julien Mayeras et Marine Hoareau pour le Département Droit Immobilier.