Loi Sapin II : les mesures anti-corruption à mettre en place au sein de l’entreprise
Par Cyrille Mayoux
La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dit « loi Sapin II », modifie certains aspects de la lutte contre la corruption.
En particulier, son article 17 prévoit la mise en place de mesures de prévention du risque de corruption, par certaines personnes morales.
Bien que la loi soit entrée en vigueur le 9 décembre 2016, les dispositifs ci-dessous décrits n’entreront en vigueur que le 1er juin 2017, date à laquelle les entreprises concernées devront être en conformité avec la loi.
Les personnes physiques et morales responsables – La charge de la mise en place des mesures pèse sur les présidents, directeurs généraux, et gérants des sociétés visées à l’article 17 de la loi. Les sociétés visées :
– emploient au moins 500 salariés, ou appartiennent à un groupe de sociétés dont la société mère a son siège social en France et dont l’effectif comprend au moins 500 salariés ;
– et réalisent un chiffre d’affaires – ou un chiffre d’affaire consolidé lorsqu’il s’agit d’un groupe – supérieur à 100 millions d’euros.
La même charge pèse sur :
– les présidents et directeurs généraux d’établissements publics à caractère industriel et commercial (E.P.I.C.) employant au moins 500 salariés, ou appartenant à un groupe public dont l’effectif comprend au moins 500 salariés, et dont le chiffre d’affaires ou le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros ;
– les membres du directoire des sociétés anonymes régies par l’article L. 225-57 du code de commerce et employant au moins 500 salariés, ou appartenant à un groupe de sociétés dont l’effectif comprend au moins 500 salariés, et dont le chiffre d’affaires ou le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros.
Lorsque la société établit des comptes consolidés, l’instauration des mesures et procédures concerne
– la société elle-même ;
– l’ensemble de ses filiales [1] ;
– l’ensemble des sociétés qu’elle contrôle [2].
Les mesures à mettre en place – Plusieurs mesures et procédures sont prévues par l’article 17. L’ensemble de ces dispositifs devra être mis en place au sein des personnes morales assujetties. Ces dernières vont donc devoir se doter :
1. d’un code de conduite définissant et illustrant les différents types de comportements à proscrire comme étant susceptibles de caractériser des faits de corruption ou de trafic d’influence [3];
2. d’un dispositif d’alerte interne destiné à permettre le recueil des signalements émanant d’employés et relatifs à l’existence de conduites ou de situations contraires au code de conduite de la société ;
3. d’une cartographie des risques. Ce document devra être régulièrement actualisé et aura pour objet d’identifier, analyser et hiérarchiser les risques d’exposition de la société à des sollicitations externes aux fins de corruption, en fonction notamment des secteurs d’activités et des zones géographiques dans lesquels la société exerce son activité ;
4. de procédures d’évaluation de la situation des clients, fournisseurs de premier rang et intermédiaires au regard de la cartographie des risques ;
5. de procédures de contrôles comptables, internes ou externes, destinées à s’assurer que les livres, registres et comptes ne sont pas utilisés pour masquer des faits de corruption ou de trafic d’influence [4] ;
6. d’un dispositif de formation des cadres et des personnels les plus exposés aux risques de corruption et de trafic d’influence ;
7. d’un régime disciplinaire spécifique en cas de violation du code de conduite de la société ;
8. d’un dispositif de contrôle et d’évaluation interne des mesures mises en œuvre.
La surveillance par l’Agence française anti-corruption (« l’Agence ») – Cette agence, créée par la loi Sapin II, a pour mission d’aider les autorités compétentes et les personnes qui y sont confrontées à prévenir et à détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme.
Dans ce cadre et afin d’assurer une mise en place effective des mesures ci-dessus décrites, l’Agence pourra contrôler les personnes morales in situ, et rendra un rapport faisant un état des lieux et, si nécessaire, formulant des recommandations.
En cas de manquement(s) constaté(s), le directeur de l’Agence [5] disposera de différentes actions, adaptées à la nature et à la gravité dudit manquement.
Ainsi, il lui sera possible :
– d’adresser un avertissement aux représentants de la société ;
– de saisir la commission des sanctions de l’Agence afin que soit enjoint à la société et à ses représentants d’adapter les procédures internes de conformité ;
– de saisir la commission des sanctions afin que soit infligée une sanction pécuniaire [6].
La date limite pour la mise en place des mesures : 1er juin 2017 – La loi Sapin II laisse aux personnes physiques et morales concernées jusqu’au 1er juin 2017 pour mettre en place l’ensemble des dispositifs décrits [7].
Une fois ce délai écoulé, l’Agence aura la possibilité de commencer ses inspections et, le cas échéant, de mettre en œuvre les procédures d’avertissement et de sanctions prévues par la loi.
Il appartient donc aux entreprises concernées de mettre en place rapidement – si ce n’est déjà fait – les dispositions de l’article 17 de la loi Sapin II, étant en outre précisé que les mesures visées pourront également être décidées par le juge pénal, à titre de peine complémentaire, en cas de condamnation de la personne morale.
[1] Au sens de l’article L. 233-1 du code de commerce : « Lorsqu’une société possède plus de la moitié du capital d’une autre société, la seconde est considérée, pour l’application des sections 2 et 4 du présent chapitre, comme filiale de la première. »
[2] Au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce : « I.- Toute personne, physique ou morale, est considérée, pour l’application des sections 2 et 4 du présent chapitre, comme en contrôlant une autre :
1° Lorsqu’elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société ;
2° Lorsqu’elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d’un accord conclu avec d’autres associés ou actionnaires et qui n’est pas contraire à l’intérêt de la société ;
3° Lorsqu’elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société ;
4° Lorsqu’elle est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance de cette société.
II.- Elle est présumée exercer ce contrôle lorsqu’elle dispose directement ou indirectement, d’une fraction des droits de vote supérieure à 40 % et qu’aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne.
III.- Pour l’application des mêmes sections du présent chapitre, deux ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérées comme en contrôlant conjointement une autre lorsqu’elles déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale. »
[3] Ce code de conduite devant être intégré au règlement intérieur de l’entreprise, il fera l’objet d’une procédure de consultation des représentants du personnel.
[4] Ces contrôles pourront être réalisés en interne ou par un commissaire aux comptes, à l’occasion de l’accomplissement des audits de certification de comptes prévus à l’article L. 823-9 du code de commerce.
[5] Un magistrat hors hiérarchie de l’ordre judiciaire nommé pour 6 ans – non renouvelable – par décret du Président de la République.
[6] La sanction pécuniaire maximale est de 200 000 euros pour une personne physique et d’1 million d’euros pour une personne morale.
[7] Le VIII.- de l’article 17 prévoit son entrée en vigueur le premier jour du sixième mois suivant la promulgation de la loi du 9 décembre 2016.