La notion de préjudice spécifique de contamination : l’ignorance est-elle un obstacle à l’existence du préjudice
Dans un arrêt du 22 novembre 2012, la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation a considéré que la malade tenu dans l’ignorance de sa contamination par le VIH et par le virus de l’hépatite C ne pouvait pas invoquer un préjudice spécifique de contamination.
En l’espèce, exerçant l’action successorale, les ayants-droits d’une victime, ayant été transfusée et contaminée par le VIH et l’hépatite C au cours de ces transfusions, faisait grief à l’ONIAM d’avoir rejeté leur demande d’indemnisation d’un préjudice spécifique de contamination de leur parente, alors défunte. En l’espèce, la famille avait fait le choix de ne pas informer la victime des pathologies (VIH et hépatite C) dont elle a souffert pendant 25 ans.
L’ONIAM rappelait, à l’appui de ses moyens de défense au pourvoi, que le préjudice spécifique de contamination est « un préjudice exceptionnel, extrapatrimonial qui est caractérisé par l’ensemble des préjudices tant physiques que psychiques résultant notamment de la réduction de l’espérance de vie, des perturbations de la vie sociale, familiale et sexuelles ainsi que des souffrances et de leur crainte, du préjudice esthétique et d’agrément ainsi que de toutes les affections opportunes consécutives à la déclaration de la maladie ». Il énonçait, par ailleurs, que « ce préjudice avait un caractère exceptionnel en raison de la spécificité des atteintes d’ordre physique et psychiques engendrés par la contamination, certes, mais aussi par la connaissance de cette contamination qui est en soi anxiogène et socialement déstabilisatrice ». L’ONIAM soutenait enfin que « le caractère exceptionnel de ce préjudice est « intrinsèquement lié à la prise de conscience des effets spécifiquement ravageurs de la contamination ».
Après avoir rappelé la définition du préjudice spécifique de contamination, la Cour de cassation énonce que, en effet, « le caractère exceptionnel de ce préjudice est intrinsèquement associé à la prise de conscience des effets spécifiques de la contamination » et que c’est donc à bon droit qu’il a été jugé par la Cour d’appel que la victime « tenue dans l’ignorance de sa contamination par le VIH et par le virus de l’hépatite C, n’avait pu subir ce préjudice spécifique de contamination ».
Ainsi, le défaut d’information sur la pathologie empêche la connaissance par le patient de son état, et empêche par là-même de faire naitre un préjudice exceptionnel extrapatrimonial de contamination.