La contractualisation du divorce international : Application le 21 juin 2012 du Règlement n°1259/2010 sur la loi applicable au divorce
C’est en 2006 que la Commission a proposé en premier lieu un projet de règlement modifiant le règlement Bruxelles II bis en ce qui concerne la compétence en matière de divorce et instituant de nouvelles règles pour la loi applicable mais le projet n’a pas recueilli le soutien unanime requis.
A la suite de ce blocage, 14 pays de l’Union européenne (Belgique, Bulgarie, Allemagne, Espagne, France, Italie, Lettonie, Luxembourg, Hongrie, Malte, Autriche, Portugal, Roumanie et Slovénie) ont déclaré vouloir recourir à ce que l’on appelle la coopération renforcée afin de promouvoir cette mesure. La coopération renforcée permet en effet à neuf pays, ou plus, de faire progresser une mesure qui est importante, mais que bloque une petite minorité d’États membres. Les autres pays de l’Union européenne conservent ensuite le droit de s’y associer lorsqu’ils le souhaitent.
Le « Règlement (UE) n°1259/2010 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps » a ainsi été adopté le 20 décembre 2010. Il doit permette aux couples internationaux de choisir la loi applicable à leur divorce et fixe également de façon uniforme une règle de conflit de lois au sein de ces pays de l’Union européenne, à défaut de choix des époux.
L’innovation majeure de ce Règlement est donc de permettre aux époux, dans un contexte international, de désigner à eux-mêmes, la loi applicable à leur divorce parmi plusieurs critères de rattachement.
C’est donc la fin de l’argument traditionnel en droit international privé français, mis en œuvre jusque récemment par la Cour de cassation, selon lequel le divorce ne relève pas de la volonté souveraine des époux, dans la mesure où il s’agit de droits indisponibles, empêchant ainsi en principe les conjoints de déterminer librement la loi applicable à leur divorce.
Désormais, c’est le principe de la loi d’autonomie qui va primer. Le principal objectif est d’accroitre la prévisibilité des solutions, et donc la sécurité juridique pour les époux. Cet objectif est cohérent avec la contractualisation croissante actuelle du droit international de la famille, en particulier avec le nouveau Règlement et Protocole de la Haye sur les Obligations Alimentaires (applicables depuis le 18 juin 2011).
De façon sommaire, les principales caractéristiques de ce Règlement sont les suivantes:
- Date d’entrée en vigueur : Le Règlement s’applique aux actions judiciaires à compter du 21 juin 2012. Pour les conventions sur le choix de la loi applicable au divorce, elles prendront effet à partir du 21 juin 2012, mais elles peuvent avoir été conclues avant cette date, si elles ont été établies selon les conditions de validité prévues par le Règlement.
- Champ d’application matériel : Le Règlement ne porte que sur la loi applicable au divorce et à la séparation de corps et ne concerne pas la compétence judiciaire. Il exclut par ailleurs certaines mesures accessoires au divorce comme le nom des époux, les effets patrimoniaux du divorce, la responsabilité parentale, les obligations alimentaires.
- Application universelle : La loi désignée par le Règlement s’applique même si cette loi n’est pas celle d’un Etat membre participant.
- Accord sur la loi applicable : Les époux peuvent convenir de désigner la loi applicable au divorce à tout moment et jusqu’à la saisine de la juridiction, parmi les lois suivantes :
- Loi résidence habituelle des époux au moment de la conclusion de la convention ;
- Loi de l’Etat de la dernière résidence habituelle de l’un des époux au moment de la conclusion de la convention ;
- Loi de la nationalité de l’un des époux ;
- Loi du for.
La convention doit être formulée par écrit, datée et signée par les deux époux.
Par ailleurs, si la loi du for le permet, les époux ont la possibilité de désigner la loi applicable au cours de la procédure. Au regard de la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation, ce type d’accord ne sera pas possible devant le juge français, à moins qu’elle ne considère que les parties ont désormais dans cette matière la libre disposition de leurs droits.
- Loi applicable à défaut de choix par les parties : A défaut de choix de loi par les époux, le Règlement prévoit une règle de conflit fondée sur des critères de rattachement successifs, visant à soumettre la désunion à une loi présentant des liens étroits avec la situation :
- Loi de la résidence habituelle des époux au moment de la saisine de la juridiction ; ou, à défaut
- Loi de la dernière résidence habituelle des époux, pour autant que cette résidence n’ait pas pris fin plus d’un an avant la saisine de la juridiction et que l’un des époux réside encore dans cet Etat au moment de la saisine de la juridiction ; ou, à défaut
- Loi la nationalité des deux époux ; ou, à défaut
- Loi de la juridiction saisie.
Si la loi désignée ne prévoit pas le divorce, la loi du for s’applique.
La logique est donc l’inverse de celle qui figurait à l’article 309 du Code civil (désormais abrogé) puisque le critère de la résidence habituelle est privilégié par rapport au critère de la nationalité commune et ce d’autant que dans l’article 309, seule une résidence commune en France était prise en compte. Le Règlement ne fait d’ailleurs pas référence à une résidence « commune ».
Le Règlement exclut expressément le jeu du renvoi et envisage seulement la possibilité d’écarter la loi désignée en cas de contrariété à l’ordre public du for.
De façon pragmatique, on relèvera que la question de la loi applicable au divorce n’est plus pour les praticiens du divorce international un enjeu stratégique important. Auparavant, il était souvent un enjeu fort, compte tenu de l’application de la loi du divorce à la question de la prestation compensatoire (par le truchement de l’article 8 de la Convention de la Haye de 1978 relative aux obligations alimentaires).
Un tel enjeu a aujourd’hui disparu avec le nouveau Protocole de la Haye sur la loi applicable aux obligations alimentaires, qui met fin désormais à l’application de la loi du divorce à la question des obligations alimentaires.