Illumina et GRAIL sanctionnées pour « gun jumping » par la Commission européenne
Le 12 juillet 2023, la Commission européenne a déclaré avoir infligé des sanctions à la société Illumina ainsi qu’à la société GRAIL, pour des montants respectifs de 432 millions d’euros et de 1.000 euros. Il s’agit à la fois de la plus forte sanction prononcée par la Commission à l’égard d’une entreprise dans le cadre des concentrations, et de la première sanction à l’encontre d’une société cible.
Pour rappel, la société américaine Illumina est spécialisée dans le secteur des technologies de santé, et a annoncé en septembre 2020 son intention d’acquérir la société GRAIL, dont la spécialité est la mise au point des tests de dépistage du cancer.
En juillet 2021, la Commission avait ouvert une enquête approfondie sur cette opération après avoir accepté pour la première fois un renvoi de plusieurs Etats-membres sur le fondement de l’article 22 du règlement (CE) n°139/2004 du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises. Ainsi, l’opération a été notifiée à la Commission et sa réalisation était soumise à approbation préalable sans pour autant atteindre les seuils de notification nationaux ou européens, décision qui était contestée par les parties mais validée par le Tribunal de l’Union.
Pourtant, seulement un mois après l’ouverture de cette phase d’examen approfondi, la société Illumina annonçait que l’acquisition de GRAIL avait été réalisée.
Ainsi, malgré l’examen en cours, les entreprises ont procédé à la signature des documents nécessaires afin de conclure l’opération, GRAIL a fusionné avec deux filiales détenues entièrement par Illumina, qui a également payé les actionnaires de GRAIL pour leurs actions.
Cette acquisition anticipée et sciemment réalisée sans l’accord de la Commission a conduit la Commission presque un an plus tard à notifier aux entreprises les griefs reprochés. Puis, en septembre 2022, la Commission européenne a annoncé l’interdiction de l’opération, pourtant déjà réalisée.
Pour la Commission européenne, l’infraction commise par ces deux sociétés est particulièrement grave et sans précédent.
En effet, la Commission relève le caractère délibéré de la violation de l’obligation de suspension de l’opération, Illumina ayant préféré se voir imposer une amende pour gun jumping, plutôt que de payer une importante indemnité de rupture à GRAIL.
S’agissant de GRAIL, la Commission considère que la cible avait parfaitement conscience de l’obligation d’effet suspensif et a malgré tout joué un rôle actif dans l’infraction, en prenant toutes les mesures permettant la réalisation de l’opération de rachat, tout en sachant que l’examen de la Commission européenne avait débuté.
En outre, la Commission a relevé les conséquences négatives et irréparables de l’opération sur le paysage concurrentiel du marché, notamment au regard du frein à l’innovation et de la réduction du choix sur le marché concerné (le marché des tests sanguins de détection précoce du cancer).
Pour toutes ces raisons, la Commission européenne a infligé à la société Illumina une sanction dissuasive du montant maximum encouru, à savoir 10% du chiffre d’affaires. Symboliquement, elle impose également une amende à GRAIL d’un montant de 1.000 euros, une première pour une société-cible.