ICPE : le Juge du plein contentieux face aux irrégularités du dossier de demande d’autorisation
CE, 22 septembre 2014, Syndicat mixte pour l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères (SIETOM) de la région de Tournan-en-Brie, n°367889
Par Marylène Fourès
A l’occasion d’un litige concernant une usine de compostage de déchets ménagers, le Conseil d’Etat est venu préciser les contours du pouvoir d’appréciation du Juge s’agissant des irrégularités du dossier de demande d’autorisation. C’est l’occasion de refaire ici un point sur cette question ; l’arrêt revient également sur la question du contenu des études d’impact.
1) Dans le cadre du droit des installations classées, la majeure partie des contestations portées devant le Juge administratif relève de la catégorie dite du plein contentieux : ce plein contentieux se distingue notamment du classique recours pour excès de pouvoir en ce que le Juge n’est pas enfermé dans un simple choix annulation/validation de la décision, mais joue un rôle actif sur le contenu même de la décision et se trouve placé, face à la demande d’autorisation, dans une position comparable à celle de l’administration.
Le Conseil d’Etat rappelle que, dans ce cadre particulier, si le respect des règles de fond s’apprécie à la date à laquelle le Juge se prononce, le respect des règles de procédure (telles notamment que les règles de composition du dossier de demande d’autorisation) s’apprécie au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation.
Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant le dossier de demande d’autorisation ne sont alors susceptibles de vicier la procédure – et ainsi d’entacher d’irrégularité l’autorisation – que si elles ont eu pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative ; il s’agit alors d’irrégularités substantielles (voir également, à propos des irrégularités de l’étude d’impact : CE, 14 octobre 2011, Société OCREAL, n°323257).
En l’espèce, la demande de permis de construire avait bien été déposée et le dossier de demande ICPE en faisait état ; mais cette demande avait été rejetée à la date à laquelle le Préfet a statué sur la demande d’autorisation d’exploiter.
S’agissant toutefois d’une règle de forme tenant à la composition du dossier de demande d’autorisation, la circonstance que le permis de construire ait finalement été refusé, retiré ou annulé est sans incidence sur la régularité du dossier, comme sur la légalité de l’autorisation ICPE.
2) Par ailleurs, la spécificité du plein contentieux des installations classées permet au Juge de prendre en compte une éventuelle régularisation intervenue à la date à laquelle il statue (sous réserve que les irrégularités en question n’aient pas eu pour effet de nuire à l’information complète de la population).
En l’occurrence, et le Conseil d’Etat le rappelle, il appartenait au Juge de prendre en compte le fait qu’un permis de construire avait finalement été délivré à l’exploitant, même postérieurement à l’autorisation contestée.
3) Enfin, cet arrêt illustre une nouvelle fois la mise en œuvre du principe de proportionnalité en matière d’étude d’impact. En effet, conformément à ce principe, le Conseil d’Etat considère que l’étude d’impact est suffisante au regard de l’importance de l’installation et de ses incidences prévisibles sur l’environnement (article R. 512-8-I du Code de l’environnement).
La critique portait ici sur la présentation des conditions de remise en état du site après exploitation. Le Conseil d’Etat rappelle qu’aucun texte n’exige que cette présentation comporte une évaluation financière. L’étude d’impact était ici suffisante et proportionnée aux enjeux puisqu’elle précisait l’origine et la nature des déchets à traiter en fin d’exploitation, ainsi que leur destination (valorisation, traitement ou enfouissement), et prévoyait des replantations en fonction de la destination future des terrains.