De l’application à mauvais escient du principe d’interprétation stricte des textes en matière pénale
L’article 198 du Code de procédure pénale est décidément une source inépuisable d’interprétation « strictissime » pour la Chambre criminelle de la Cour de cassation.
Cet article énonce les règles suivantes :
« Les parties et leurs avocats sont admis jusqu’au jour de l’audience à produire des mémoires qu’ils communiquent au ministère public et aux autres parties.
Ces mémoires sont déposés au greffe de la chambre de l’instruction et visés par le greffier avec l’indication du jour et de l’heure du dépôt.
Lorsqu’un avocat n’exerce pas dans la ville où siège la chambre de l’instruction, il peut adresser son mémoire au greffier, au ministère public et aux autres parties par télécopie ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception qui doit parvenir à leurs destinataires avant le jour de l’audience ».
Depuis déjà plusieurs années (Crim. 20 octobre 1966), la Chambre criminelle avait précisé aux parties et à leurs avocats, que l’expression « jour de l’audience » signifiait en réalité « veille de l’audience », accessoirement avant la fermeture du greffe, soit environ 17 h 00.
Non contente de cette interprétation très restrictive du texte, la Cour de cassation vient de rendre un arrêt, le 14 mars 2012 (Crim. 14 mars 2012, n° 12-80.294) validant le raisonnement de la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris ayant déclaré irrecevable un mémoire déposé par un avocat, dans la mesure où celui-ci substituait l’avocat formellement désigné par la partie représentée :
« Attendu que, pour déclarer irrecevable le mémoire transmis par télécopie et reçu au greffe le 25 novembre 2011, présenté au nom de M. X…, partie civile, par Me Z… substituant Me de A…, ce dernier ayant été désigné par la partie civile, la chambre de l’instruction énonce que Me Z… n’est pas un avocat constitué ;
Attendu qu’en statuant ainsi, la chambre de l’instruction a fait l’exacte application des dispositions de l’article 198 du code de procédure pénale, un avocat ne pouvant présenter un mémoire que si la partie concernée a préalablement fait choix de cet avocat et en a informé la juridiction d’instruction ; »
Pour un avocat, tirer les conséquences d’une telle position revient donc, en pratique, à faire un choix entre deux options :
- Développer la pratique de l’ubiquité en matière pénale et bannir la pratique de la collaboration avec d’autres avocats.
- Demander au justiciable de désigner tous les avocats d’un même cabinet, dès le début de la procédure (associés et collaborateurs).
En tout état de cause, cette jurisprudence inutilement procédurière est une véritable atteinte aux droits de la défense en même temps qu’un signe (peut-être involontaire) de défiance à l’égard des auxiliaires de justice que sont les avocats.