Abus de position dominante et prix excessifs
Com. 7 juill. 2021, D, n° 19-25.586 et n° 19-25.602
La chambre commerciale de la Cour de cassation confirme, dans son arrêt rendu le 7 juillet dernier [1], l’analyse de la Cour d’appel de Paris relative aux pratiques de la société Sanicorse dans le secteur du traitement des déchets de soins à risques infectieux (les « DASRI »).
Il sera rappelé que l’Autorité de la concurrence (l’« Autorité ») avait relevé que la société Sanicorse était en situation de monopole de fait sur le marché de l’élimination des DASRI, notamment en ce qu’elle collectait près de 90% des DASRI produits en Corse [2]. L’Autorité a alors reproché à la société en cause d’avoir mis en œuvre une pratique d’augmentation brutale, significative, persistante et injustifiée des prix de ses prestations d’élimination des DASRI auprès des établissements de soins, constituant ainsi un abus de position dominante d’exploitation sur le fondement de l’article L. 420-2 du code de commerce. Ce faisant, la société Sanicorse s’était vu infliger une sanction pécuniaire de 199.000 euros.
Si la Cour d’appel de Paris a confirmé l’analyse de l’Autorité quant à la dimension géographique du marché, permettant ainsi de retenir l’existence d’un monopole de fait, elle a toutefois remis en question la position de l’Autorité sur la qualification de l’abus de position dominante [3]. A cet égard, la Cour d’appel rappelait que la qualification de conditions de transactions en abus d’exploitation nécessitait d’une part, que la position dominante ait permis à l’entreprise qui exerce l’abus d’obtenir les « avantages de la transaction examinés », et d’autre part que ces avantages aient été non équitables. Or, sur ce dernier critère, la Cour d’appel a considéré que l’Autorité n’avait pas cherché à démontrer les raisons pour lesquelles les prix résultant des augmentations tarifaires étaient sans rapport raisonnable avec la valeur économique de la prestation fournie, l’application d’une augmentation tarifaire n’étant rien d’autre que la fixation d’un prix.
Rejetant le pourvoi formé par l’Autorité, la Cour de cassation confirme l’analyse de la Cour d’appel en affirmant que l’appréciation du caractère équitable ou non d’une augmentation de prix se confond avec l’examen du caractère équitable du prix qui en résulte. En d’autres termes, il revenait à l’Autorité de démontrer que les prix résultant des augmentations tarifaires pratiquées par la société Sanicorse étaient sans rapport raisonnable avec la valeur économique de la prestation fournie.
Par Corinne Khayat et Arthur El Aoufir pour le département Concurrence.
[1] Cour de cassation, 7 juillet 2021, n° D 19-25586, n° 19-25602.
[2] Décision n° 18-D-17 du 20 septembre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’élimination des déchets d’activités de soins à risque infectieux en Corse.
[3] Cour d’appel de Paris, 14 novembre 2019, RG nº 18/23992