En l’absence de mention de l’adresse d’un des bénéficiaires sur l’arrêté délivrant le permis de construire, il ne peut être soulevé une fin de non-recevoir relative à l’absence de notification du recours à l’encontre de ce bénéficiaire.
Le jugement n°1706064 rendu le 14 mars 2019 par le Tribunal administratif de Marseille a apporté des éclaircissements sur les modalités de notification du recours à l’encontre des bénéficiaires d’un permis de construire lorsque les mentions obligatoires de l’arrêté, prévues à l’article A. 424-2 du code de l’urbanisme, ne sont pas respectées.
En l’espèce, un permis de construire avait été délivré par la Ville de Marseille, identifiant deux bénéficiaires au permis de construire – une société A et une société C – mais seule l’adresse de la société A était précisée. Un recours gracieux puis un recours contentieux ont été introduits par Monsieur D. Cependant, la notification de ces derniers n’avait été faite qu’à la société A, seule bénéficiaire dont l’adresse avait été mentionnée sur l’arrêté délivrant le permis de construire.
La jurisprudence estime de manière constante qu’en présence de deux bénéficiaires, la notification du recours devait être faite à chacun d’eux (CE, 5 mars 2014, Lesostri, req. n°370.552, mentionné aux tables).Dans cette hypothèse, le Conseil d’Etat est venu préciser que :
« Lorsqu’un permis de construire est délivré à plusieurs bénéficiaires, la notification doit être effectuée à l’égard de chacun des bénéficiaires du permis, tels que désignés, avec leur adresse, dans l’acte attaqué » (CE, 4 décembre 2017, Clément et a., Req. n° 407.165, mentionné aux Tables).
Concluant sur cette dernière affaire, Monsieur le rapporteur public Guillaume ODINET avait rappelé que le Conseil d’Etat avait, dans l’application des dispositions de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme « opté – et c’est louable – pour une approche aussi opératoire que possible pour l’auteur du recours – qui se trouve enserré dans un délai très bref–, en se fondant sur un principe simple, selon lequel il lui appartient de se fonder sur le permis de construire pour effectuer les notifications qui lui incombent ».
A défaut d’indication de l’adresse de la société C dans l’arrêté de permis de construire, il ne peut être reproché à Monsieur D de ne pas avoir notifié le recours à celle-ci.
C’est l’interprétation que le Tribunal administratif de Marseille a choisi de retenir. Ainsi, par un jugement du 14 mars 2019 n°1706064, le juge administratif a précisé que :
2. En premier lieu, aux termes de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme : « En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l’encontre d’un (…) permis de construire (…), le préfet ou l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation. (…) / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours (…) ».
3. Si l’irrecevabilité tirée de l’absence d’accomplissement des formalités de notification prescrites par l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme ne peut être opposée qu’à la condition que l’obligation de procéder à cette notification ait été mentionnée dans l’affichage sur le terrain du permis de construire, il ressort du procès-verbal d’huissier produit en défense que le panneau d’affichage comportait cette mention. La circonstance que ce panneau mentionne l’adresse de l’un des co-titulaires du permis de construire, à savoir celle de la société A, et celle d’une autre société, le Groupe B, qui n’est pas co-titulaire du permis de construire et à qui le permis de construire n’a pas été transféré selon les règles fixées par le code de l’urbanisme, alors que l’adresse de la société C, co-titulaire, n’est pas mentionnée, est sans incidence par elle-même sur l’opposabilité au requérant de l’obligation qui lui était faite de notifier son recours à l’auteur de la décision et aux co-titulaires de l’autorisation attaquée.
4. Il ressort en effet des dispositions précitées de l’article R. 600-1 qu’il appartient à l’auteur d’un recours tendant à l’annulation d’un permis de construire d’adresser au greffe de la juridiction une copie du certificat de dépôt de la lettre recommandée par laquelle il a adressé copie de son recours à l’auteur de la décision contestée et au titulaire de l’autorisation. À l’égard de ce dernier, la formalité doit être regardée comme régulièrement accomplie lorsque la notification est faite au titulaire de l’autorisation tel que désigné par l’acte attaqué, à l’adresse qui y est mentionnée. Lorsqu’un permis de construire est délivré à plusieurs bénéficiaires, la notification doit être effectuée à l’égard de chacun des bénéficiaires du permis, tels que désignés, avec leur adresse, dans l’acte attaqué. A cet égard, l’article A. 424-2 du code de l’urbanisme précise que l’arrêté par lequel le maire délivre le permis de construire indique la collectivité au nom de laquelle la décision est prise et rappelle les principales caractéristiques de la demande de permis, à savoir les nom et adresse du demandeur, l’objet de la demande, le numéro d’enregistrement et le lieu des travaux.
5. En l’espèce, il est constant que le permis de construire a été délivré à la société A et à la société C et que la requête en litige n’a été notifiée qu’à la société A. Toutefois, il ressort des termes de l’acte attaqué, qui pour l’application de ces dispositions ne peut être que l’arrêté lui-même, avec les mentions prévues par l’article A. 424-2 du code de l’urbanisme, qu’il ne mentionne pas l’adresse de la société C, co-titulaire du permis délivré. Dès lors, compte tenu de l’absence de mention sur l’acte attaqué de l’adresse de l’un des co-titulaires du permis de construire en litige, la commune de Marseille et les sociétés défenderesses ne peuvent se prévaloir de l’absence de notification du recours contentieux à la société C au titre de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme pour contester la recevabilité du présent recours.
6. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme qu’à défaut de l’accomplissement des formalités de notification qu’elles prévoient, un recours administratif dirigé contre un document d’urbanisme ou une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol ne proroge pas le délai du recours contentieux.
7. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 5 du présent jugement que l’arrêté en litige ne mentionnant pas l’adresse de la société C, co-titulaire du permis de construire, la circonstance que le requérant n’ait pas notifié son recours administratif à cette société n’a pas fait obstacle à la prorogation du délai de recours contentieux par le recours administratif exercé auprès du maire de Marseille le 5 mai 2017.
Par suite, les sociétés défenderesses ne peuvent se prévaloir de la tardiveté du recours contentieux de M. D en l’absence de notification du recours administratif à la société C.
8. Il résulte de ce qui précède que les deux fins de non-recevoir, opposées par la commune de Marseille et les sociétés défenderesses doivent être écartées. »
Ce jugement a fait l’objet d’un classement en « C+ » signalant un intérêt jurisprudentiel.
Ce jugement est devenu définitif par une décision du Conseil d’Etat du 21 octobre 2020 qui a rejeté le pourvoi en cassation introduit par la société A et le groupe B – venant aux droits de la société C.
Article écrit par Clarisse BAINVEL, avocat associé et Naïma BELARBI, avocat collaborateur.
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