Flash : La mise sur écoutes dans le cadre d’une procédure pénale

13/03/2014

CYML’actualité riche et les commentaires divers sur la légalité des mises sur écoutes de certains justiciables méritent que soit brièvement rappelé le cadre de ces interceptions, tel qu’il résulte du Code de procédure pénale.

Les écoutes sont la plupart du temps décidées par un juge d’instruction mais peuvent, parfois, être réalisées à la demande du Procureur, dans le cadre d’une enquête préliminaire et sous le contrôle du Juge des libertés et de la détention.

Les écoutes ordonnées par le juge d’instruction – Le cadre est fixé par les articles 100 et suivants du Code de procédure pénale[1], inclus dans les développements du code portant sur le déroulement des procédures d’instruction.

C’est en effet le principe : les écoutes téléphoniques sont généralement ordonnées par un juge d’instruction, magistrat du siège, lorsque les nécessités de l’enquête l’exigent.

Ce type d’interception n’est possible que si le juge enquête sur :

  • un crime,
  • ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à deux ans.

Sa décision de placement sur écoutes n’a pas à être motivée sur le fond bien que devant comporter un certain nombre de mentions[2], est insusceptible de recours et est prise pour une période de quatre mois renouvelables.

De façon générale, le juge d’instruction n’a pas à informer les tiers de sa décision.

Toutefois, un tiers doit être informé par le juge d’instruction dans trois hypothèses et ce, à peine de nullité :

  1. le Président de l’assemblée parlementaire à laquelle appartient le député ou le sénateur mis sur écoutes,
  2. le Bâtonnier de l’Ordre auquel appartient l’avocat écouté,
  3. le Premier Président ou le Procureur général de la juridiction dont relève le juge ou le parquetier placé sur écoutes.

En pratique, le juge ne réalisera pas lui-même les écoutes et délèguera cette tâche aux enquêteurs (OPJ), qui peuvent eux-mêmes recourir à des techniciens qualifiés pour mettre en place le dispositif d’interceptions.

Les enregistrements réalisés sont placés sous scellés fermés[3].

Chaque interception doit être mentionnée sur un procès-verbal (date, heures de début et de fin).

Seuls peuvent être transcrits les passages « utiles à la manifestation de vérité », lesquels seront par la suite versés au dossier d’instruction.

En outre, les discussions avec un avocat relevant de l’exercice des droits de la défense ne peuvent être transcrites, à peine de nullité du procès-verbal[4] le cas échéant relevé d’office par la Chambre de l’instruction.

Néanmoins, la Chambre criminelle de la cour de cassation écarte le principe de non-transcription « dès lors qu’il est établi que leur contenu est de nature à faire présumer la participation de cet avocat à des faits constitutifs d’une infraction, fussent-ils étrangers à la saisine du juge d’instruction »[5].

Telle est la limite au secret présidant aux échanges entre un avocat et son client.

Ces dispositions légales peuvent également être mises en œuvre hors de toute information judiciaire, en matière de lutte contre la criminalité organisée, depuis la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

Les écoutes en enquête préliminaire – Le principe est fixé par l’article 706-95[6] du Code de procédure pénale, qui renvoie la liste des infractions en bande organisée visée par l’article 706-73 du même code.

Les articles 100 et suivants du Code de procédure pénale ont également vocation à être appliqués, par le procureur de la République ou par le Juge des libertés et de la détention.

Ainsi, le procureur de la République, dirigeant l’enquête préliminaire ou de flagrance, n’a pas à ouvrir une instruction pour faire écouter des personnes.

Il doit présenter sa requête au Juge des libertés et de la détention, juge du siège, pour que celui-ci décide de la mise en place des écoutes demandées.

A la différence des écoutes ordonnées par le juge d’instruction, celles-ci ne peuvent être décidées que pour une période d’un mois, renouvelable une seule fois.

La mise en place technique et la rédaction des procès-verbaux est dévolue au Procureur ou à l’OPJ saisi par lui.

L’information des tiers doit être effectuée, le cas échéant, par le Juge des libertés et de la détention, à qui revient de façon générale de contrôler la mesure ordonnée.

Le procureur doit en particulier tenir le juge informé, sans délai, des actes accomplis par lui ou par l’OPJ, notamment les procès-verbaux.

A l’instar des écoutes réalisées pendant une instruction, les transcriptions réalisées sous la direction du Parquet ne peuvent faire état des conversations avec un avocat relevant de l’exercice des droits de la défense, sous la même réserve jurisprudentielle déjà évoquée.

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En l’état du droit positif, aucun recours juridictionnel ne permet, a priori, de faire cesser des écoutes et plus encore des transcriptions en cours de réalisation lorsqu’elles touchent à des conversations entre un avocat et son client.

La frontière entre, d’une part, transcriptions illégales touchant aux droits de la défense et, d’autre part, transcriptions autorisées portant sur une infraction potentielle, ne peut être définitivement fixée qu’une fois les écoutes réalisées, les procès-verbaux versés au dossier, les mis en examen ayant eu accès à ces transcriptions et les ayant contestées le cas échéant, devant la Chambre de l’instruction.


[2] Donc évidemment, le numéro de la ligne à écouter.

[3] A l’expiration du délai de prescription de l’action publique, les enregistrements placés sous scellés fermés seront détruits.

[4] Il en va de même pour les conversations ayant lieu avec un journaliste et permettant d’identifier une source.

[5] Crim. 1er octobre 2003, n° 03-82.909.