La dévolution du droit de suite est-elle conforme aux principes constitutionnels ?
Par ordonnance du 11 mai 2012, le juge de la mise en état de la troisième chambre du tribunal de grande instance de Paris a accepté de transmettre à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité posée par la Fondation Hartung-Bergman relativement à la dévolution du droit de suite.
Le droit de suite est, on le sait, le droit pour l’auteur d’une œuvre d’art graphique ou plastique originale, de percevoir un pourcentage sur le prix obtenu pour toute revente de cette œuvre.
Ce droit est également susceptible de bénéficier aux ayants droit de l’artiste pendant une durée de 70 ans après le décès de celui-ci (article L122-8 du Code de la propriété intellectuelle). La dévolution de ce droit de suite fait cependant l’objet d’un régime dérogatoire par rapport au droit commun des successions, l’article L 123-7 du Code de la propriété intellectuelle excluant de son bénéfice « tous légataires et ayants cause ». Désireux en effet de protéger la famille de l’artiste, le législateur a réservé le bénéfice du droit de suite aux seuls héritiers ab intestat.
C’est ce régime dérogatoire que la Fondation Hartung-Bergman, titulaire d’une partie des droits d’auteur portant sur l’œuvre de Hans Hartung mais écartée du bénéfice du droit de suite souhaite remettre en cause. A l’occasion d’un contentieux l’opposant à l’ADAGP, la Fondation Hartung-Bergman a donc demandé au Tribunal de transmettre au Conseil constitutionnel la question de savoir si « Les dispositions de l’article L 123-7 du Code de la propriété intellectuelle, en ce qu’elles excluent du bénéfice du droit de suite les légataires, contreviennent-elles au principe d’égalité consacré par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ? »
Le tribunal devait donc vérifier que les trois conditions posées par l’article 23-2 de l’Ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, (dans sa rédaction issue de l’article 1 de la loi organique du 10 décembre 2009) -savoir si la question posée était « applicable au litige », si elle était nouvelle et si elle n’était pas « dépourvue de caractère sérieux »- étaient réunies.
Au cas particulier, le juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Paris l’a admis. Il appartiendra cependant à la Cour de cassation de se prononcer à son tour sur ces mêmes questions, étant observé que le pouvoir de contrôle dont est investie la Haute juridiction est, sur ce point, sensiblement plus important que celui dévolu aux juges du fond.
La Cour de cassation est attentive en effet à vérifier le caractère sérieux des QPC dont la transmission au Conseil constitutionnel est demandée. S’agissant plus particulièrement de la conformité au principe d’égalité édicté par les articles 1 et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la Cour de cassation n’hésite pas à rappeler quand il le faut que « le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations distincte ».