Focus sur l’ordonnance et le décret du 21 avril 2016 instaurant une nouvelle procédure de consultation locale sur les projets ayant une incidence sur l’environnement
L’ordonnance n°2016-488 relative à la consultation locale sur les projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement, ainsi que le décret n°2016-491, tous deux du 21 avril 2016 et publiés au JORF du 22 avril 2016, vont permettre à l’Etat d’organiser en juin prochain une consultation locale sur le projet de création d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes (voir sur ce point le décret n°2016-503 du 23 avril 2016) ; au-delà de cette vocation conjoncturelle, ces textes instaurent un nouveau mode d’association des citoyens au processus décisionnel portant sur les projets d’infrastructures ou d’équipements ayant une incidence sur l’environnement.
L’article 106 de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite loi « Macron ») avait habilité le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance toute mesure visant à moderniser et simplifier l’élaboration de projets, dans un souci de transparence et d’effectivité de la participation du public. C’est sur ce fondement que l’ordonnance n°2016-488 prévoit les modalités de consultation des électeurs dans des conditions définies par plusieurs dispositions de nature législative introduites dans le code électoral s’agissant notamment des opérations de vote, et dans le code de l’environnement, un nouveau Chapitre III bis étant inséré dans les dispositions consacrées aux enquêtes publiques (le titre II du livre Ier du code de l’environnement).
L’ordonnance renvoyant à un décret pris en Conseil d’Etat aux fins de déterminer les modalités d’application des nouvelles dispositions législatives, le décret n°2016-491 du 21 avril 2016 est venu détailler les modalités d’information des électeurs concernés, les dispositions propres à la consultation et à l’encadrement de son déroulement, et préciser les dispositions du code électoral applicables par renvoi.
Le principe de la consultation :
En vertu du nouvel article L.123-20 du code de l’environnement :
« l’Etat peut consulter les électeurs d’une aire territoriale déterminée afin de recueillir leur avis sur un projet d’infrastructure ou d’équipement susceptible d’avoir une incidence sur l’environnement dont la réalisation est subordonnées à la délivrance d’une autorisation relevant de sa compétence, y compris après une déclaration d’utilité publique ».
Si l’ordonnance et le décret sont peu diserts sur la nature et la portée du « résultat de la consultation », il est certain que cette procédure n’est pas une procédure décisionnelle mais que, débouchant sur l’émission d’un avis simple, elle est seulement consultative; il est d’ailleurs à relever que, même si cette procédure nouvelle s’inscrit de façon générale dans le vaste courant du principe de participation, elle s’en éloigne en ce sens qu’il n’est en rien prévu de dispositions qui directement ou indirectement inscriraient le « résultat de la consultation » dans le processus décisionnel.
Il convient aussi de relever que cette nouvelle procédure de consultation des électeurs se distingue de celle prévue par les articles L.1112-2 et L.1112-15 du CGCT qui autorisent l’exécutif d’une collectivité territoriale à proposer à l’assemblée délibérante de soumettre à référendum ou consultation locale tout projet d’acte relevant des attributions qu’il exerce au nom de la collectivité.
Champ d’application :
Au plan temporel : La décision de consulter les électeurs peut être prise tant que le processus décisionnel portant sur le projet n’est pas achevé, en d’autres termes tant que l’ensemble des autorisations nécessaires à la réalisation et l’exploitation de l’équipement projeté n’ont pas été délivrées par les services de l’Etat.
Il est à noter que si l’article L.123-20 nouveau du code de l’environnement précise que cette consultation peut être organisée après l’intervention d’une déclaration d’utilité publique -celle-ci intervenant au terme d’une procédure comportant une enquête publique- , il résulte de l’ensemble des dispositions des nouveaux textes que la procédure de consultation pourra être mise en œuvre tant qu’une autorisation relevant de la compétence des services de l’Etat restera à obtenir et là encore alors même que les procédures d’instruction de ces autorisations comporteraient une enquête publique. Il appartiendra au juge de se prononcer sur la possibilité d’organiser une consultation dans le cas où la dernière autorisation nécessaire aurait été annulée par le Juge ou même aurait simplement fait l’objet d’un recours faisant obstacle à son caractère définitif.
Au plan géographique : L’aire de consultation correspond à celle du territoire couvert par l’enquête publique dont le projet a fait l’objet. Lorsque plusieurs enquêtes publiques ont été réalisées au titre de législations distinctes, l’aire de consultation correspond à l’ensemble du territoire couvert par ces enquêtes (article L.123-21).
Le territoire couvert par l’enquête est celui des communes désignées comme lieux d’enquêtes par l’arrêté d’ouverture de celle-ci. Dans les autres cas, l’aire de consultation est celle du territoire des communes dont l’environnement est susceptible d’être affecté par le projet.
La consultation est ouverte à l’ensemble des électeurs de nationalité française inscrits sur les listes électorales et aux ressortissants d’un Etat de l’Union européenne (article L.123-22).
Au plan matériel : sont concernés toutes les projets ayant une incidence sur l’environnement, critère somme toute assez flou ; le champ d’application des textes nouveaux devrait néanmoins être limité par la combinaison de ce premier critère avec un second de nature juridique, puisque la procédure indique que la réalisation du projet est subordonnée à une autorisation ; le champ d’application de ces textes est aussi limité puisqu’il indique que seuls sont concernés les projets faisant l’objet d’une autorisation délivrée par les services de l’Etat (ce qui exclut notamment toutes les autorisations de construire relevant, sauf exception, de la compétence exclusive du maire) ; il est enfin à noter que le terme de « réalisation » choisi par les rédacteurs de l’ordonnance pourrait en limiter le champ puisque devant conduire à exclure toutes les autorisations délivrées pour « l’exploitation » d’activités (tel est le cas par exemple des arrêtés pris pour autoriser l’exploitation d’activités classées).
L’objet de la consultation :
Au moment du scrutin, les électeurs seront invités à répondre par oui ou par non sur la question posée (article L.123-28 nouveau). La définition de la question est bien évidemment essentielle puisqu’elle pourra porter sur la réalisation de l’ensemble du projet ou certaines des modalités de cette réalisation. La première mise en œuvre des textes du 21 avril 2016 montre toute l’ambiguïté que peut revêtir la formulation de la question : de fait, s’agissant de l’aéroport de Notre-Dame des Landes, la question posée au public est formulé en ces termes « êtes-vous favorable au projet de transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de Notre Dame des landes ? » ; il est possible de s’interroger sur le point de savoir si la notion de « transfert » correspond bien à celle de « réalisation » au sens de l’article L.123-20 nouveau du code de l’environnement
Organisation de la consultation :
La décision de consultation fait l’objet d’un décret qui précise l’objet, la date et le périmètre de la consultation, qui définit la question posée et qui convoque les électeurs (article L.123-23). Ce décret est notifié dans les deux semaines suivant sa publication aux maires des communes concernées.
Un délai de deux mois est prévu entre la publication de ce décret et la date de consultation (article 123-23).
La participation supposant l’information, un dossier sur le projet doit être rédigé : ce dossier, élaboré par la Commission nationale du débat public, comprendra un document de synthèse présentant le projet, ses motifs, ses caractéristiques, l’état d’avancement des procédures, ses impacts sur l’environnement et les autres effets attendus (article L.123-26). Au moins quinze jours avant la date fixée pour la consultation, ce dossier sera consultable sur le site internet de la Commission, notamment grâce à des points d’accès à internet mis à disposition par les Mairies.
L’issue de la consultation :
La régularité de la consultation pourra être contestée selon les règles applicables à la contestation de l’élection des conseillers municipaux.
La consultation ayant seulement pour objet de recueillir un « avis », son résultat ne s’imposera pas à l’autorité administrative en charge du projet.
L’Etat sera alors en mesure de ne donner aucune suite à une consultation qui aurait pourtant révélé une réelle opposition des électeurs à un projet.
Pour consulter les textes :
L’ordonnance n°2016-488 du 21 avril 2016