LE SECRET PROFESSIONNEL SERA-T-IL ENCORE PROTEGE DANS SIX MOIS ?
Cette question mérite d’être posée puisque la 17ème Chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Paris vient de transmettre à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité concernant l’article 226-13 du Code pénal.
Ce dernier prévoit et réprime le délit de violation du secret professionnel :
« La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende ».
Or, le 7 juin 2012, la 17ème Chambre transmettait la question suivante :
« l’article 226-13 du code pénal porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment au principe de légalité des délits et des peines posé par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, en ce qu’il ne donne pas une définition suffisamment claire et précise de la notion d’information à caractère secret ? »
Cette chambre, dite « chambre de la presse » dans la mesure où elle connaît des affaires de diffamation jugées à Paris, est également spécialisée dans les infractions touchant à la protection des libertés.
Les attendus du jugement jettent le doute sur la constitutionnalité de l’expression « information à caractère secret », l’un des éléments constitutifs du délit :
« (…) l’article 226-13 du code pénal peut s’appliquer à des situations très diverses et ne donne pas de définition de ce qu’il faut entendre sous l’expression d’« une information à caractère secret » ; une telle information peut être secrète par nature, en raison de l’objet même de l’information, comme celles portant sur la santé physique ou mentale des personnes ; elle peut aussi résulter de la qualité de la personne à laquelle l’information est confiée, notamment s’il s’agit d’un professionnel tenu au secret ; le caractère secret peut également être prévu par un texte, tels le secret de la défense nationale, le secret de l’instruction et de l’enquête consacré par l’article 11 du code de procédure pénale.
[…]
En conséquence et pour ces raisons, la définition du délit de l’article 226-13 du code pénal peut apparaître insuffisamment précise, notamment en l’absence de référence à une norme juridique prévoyant la protection d’une information particulière en tant que telle, étant rappelé que s’il est normal que la loi soit interprétée, elle doit cependant être suffisamment claire pour éviter tout risque d’arbitraire ».
Si une telle question devait être soumise au Conseil constitutionnel dans les mois qui viennent[1], nul doute que l’ensemble des personnes soumises au secret dans le cadre de leur profession serait attentif à la décision rendue.
MISE A JOUR :
Par arrêt en date du 5 septembre 2012, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a dit n’y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la QPC qui lui était soumise, aux motifs suivants :
« Mais attendu que la question, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle ;
Et attendu que la question posée ne présente pas, à l’évidence, un caractère sérieux dès lors que l’interprétation de l’article 226-13 du code pénal, qui définit de manière suffisamment claire et précise le délit de violation du secret professionnel, entre dans l’office du juge pénal, de sorte qu’il n’est porté aucune atteinte au principe de légalité des délits et des peines ».
[1] La Cour de cassation a un délai de 3 mois (à compter de la réception du dossier) pour statuer sur la transmission au Conseil Constitutionnel, lequel dispose d’un même délai de 3 mois à compter de sa saisine, pour trancher la question.