Absence d’originalité d’une confession (Paris, Pôle 5 chambre 1, 17 avril 2013)
La confession renvoie à ce qu’il y a de plus intime dans la personnalité de celui qui s’y soumet : du latin fateor, avouer, reconnaître son erreur ou sa faute, la confession est définie comme l’acte de déclarer ou d’avouer un péché.
Il n’est donc pas dépourvu de paradoxe que la Cour d’appel de Paris (Pôle 5 chambre 1) ait pu, par un arrêt du 17 avril 2013 (N° 11/04204), refuser de protéger par le droit d’auteur la confession d’un meurtrier alors précisément que ce droit a vocation à bénéficier à toute forme originale dès lors qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur.
Les faits de cette espèce sont simples. L’hebdomadaire Le Point avait publié un article intitulé « Comment j’ai tué Nelly C. », article reproduisant les extraits d’une confession écrite par Monsieur Serge M. dans sa cellule de la maison d’arrêt de Fresnes alors qu’il était en détention provisoire dans le cadre de l’information ouverte à son encontre pour assassinat sur la personne de Nelly C. (disparue alors qu’elle faisait son jogging, Nelly C. avait été retrouvée morte le 11 juin 2005, assassinée d’une balle révolver ; l’affaire avait suscité à l’époque une vive polémique du fait que l’un des meurtriers était en liberté sous le régime de la libération conditionnelle).
Arguant d’une violation de ses droits d’auteur à raison de la divulgation et de la publication de l’oeuvre sans son autorisation ainsi que de sa dénaturation par découpage d’extraits et adjonction d’un titre, Serge M. avait assigné l’hebdomadaire en contrefaçon devant le tribunal de grande instance de Paris. Débouté de ses demandes par les premiers juges, Serge M. avait interjeté appel devant la Cour d’appel de Paris qui a considéré à son tour que les conditions posées par l’article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle n’étaient pas réunies
La Cour d’appel a notamment relevé que la lecture du texte faisait apparaître que « Serge M. expose le déroulement des faits d’une façon descriptive, obéissant à l’ordre chronologique, avec des phrases banalement construites et des mots du vocabulaire courant et exprime ses sentiments de la manière la plus sommaire, l’ensemble ne portant la moindre trace d’une recherche d’ordre esthétique que ce soit dans le style de la rédaction ou dans le choix des mots. Qu’il apparaît que le document s’apparente à une déposition que l’auteur aurait pu faire en des termes identiques devant ses juges et par laquelle il vise exclusivement à s’expliquer sur les faits dont il doit répondre et à présenter ses lignes de défense. »
L’arrêt illustre la difficulté, quelquefois inextricable, à laquelle sont confrontés les juges : tenus, par application de l’article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle de préciser en quoi le texte (ou la forme graphique) qui leur est soumis comporte un apport intellectuel caractérisant une création originale, ils doivent également, conformément à l’article L.112-4 du Code de la propriété intellectuelle, rester indifférent au « mérite » de l’œuvre ; étant précisé qu’ils ne peuvent pas non plus « prendre prétexte du principe d’indifférence du mérite pour refuser de se livrer à la recherche nécessaire de l’originalité » (Civ.1ère , 6 mars 1979, Bull civ. I, n°82).
Au cas particulier, on peut approuver la motivation de la Cour d’appel de Paris même s’il est permis de considérer que le reproche fait au texte de ne comporter aucune « recherche d’ordre esthétique », et de recourir à une syntaxe « banale » ainsi qu’à un « vocabulaire courant » traduit une forme de jugement de valeur regrettable au regard des exigences de l’article L.112-4 précité.